148# Pourquoi la peur est-elle toujours irrationnelle ?

Pourquoi la peur est irrationnelle

Répondre à cette question est un moyen de déverrouiller bien des choses

En commençant ce rendez-vous par la question posée en titre vous pourriez me rétorquer que toute émotion est irrationnelle. Alors, pourquoi la peur est-elle toujours irrationnelle ? Et en me basant sur les émotions de base (joie, heureux, colère, tristesse, honte), je ne pourrai qu’acquiescer votre remarque. 

Cinq émotions de base et une fusion

En me référant au travail de Don Miguel Ruiz on découvre une autre approche des émotions de base. (Notez qu’il est l’auteur du livre « Les quatre accords toltèques»). En effet, l’auteur regarde les émotions de deux manières : d’un côté il place la joie et, de l’autre, la peur.

Il place la colère, la tristesse et la honte sous l’émotion de peur.

Quand j’accompagne des personnes en développement personnel, j’utilise les doigts de ma main pour exprimer les émotions de base. Étant donné que j’aime utiliser cette image, cela m’a aidé à trancher en optant pour cinq émotions de base alors que d’autres psychologues en proposent six ou sept. 

Je trouve naturel d’utiliser la symbolique de la main. Ce choix me conduit à considérer le pouce comme symbole de la joie laissant à l’index, au majeur, à l’annulaire et à l’auriculaire les quatre émotions restantes. 

Le fait de séparer les cinq émotions de base en deux groupes, en mettant le pouce d’un côté et de l’autre les quatre autres doigts, permet déjà de montrer le contraste existant entre ces deux grands univers émotionnels. 

En me référant au travail de Don Miguel Ruiz, je pourrais fusionner les quatre doigts de ma main en isolant le pouce de manière à dire qu’il n’existe, finalement, que deux émotions de base : la joie et la peur (fusion de la peur, de la colère, de la tristesse et de la honte).

Pourquoi la joie et la peur «dominent-elles» les autres émotions de base ?

En définitive, il s’agit des deux émotions de base que nous utilisons le plus. Pourquoi cela ? Avec un peu de recul, il s’agit des deux émotions à partir desquelles nous prenons le plus de décisions. 

J’imagine que certains parmi vous avaient vu venir cette raison. En effet, je l’ai évoqué çà et là dans le cadre d’un accompagnement, qu’il ait été individuel ou en couple. Si vous vous reconnaissez, vous saviez que la joie et la peur sont celles sur lesquels nous nous appuyions le plus pour prendre l’essentiel de nos décisions.   

Cela dit, certains argumentent en ayant le sentiment d’avoir davantage d’émotions de colère que de peur (en termes de fréquence). Oui, cette perception est tout à fait cohérente avec certains vécus. Seulement, la colère est généralement sous-jacente, comme peuvent l’être la honte, la tristesse également. 

Quand on se met en colère n’est-ce pas peur que les choses ne se passent pas comme on le veut ? N’est-ce pas une crainte de ne pas être compris ou accepté ? Ou encore une peur d’être rejeté ou mésestimé ? 

La colère est généralement utilisée pour manifester une émotion de peur, ce en quoi je rejoins ce que propose Don Miguel Ruiz. Les émotions phares sont généralement davantage la joie et la peur laissant les autres s’exprimer comme des émotions greffées à ces dernières.

La joie est un accélérateur, un propulseur 

Résumons donc les cinq émotions de base en deux réalités : la joie et la peur.

La joie permet de développer l’individu, lui servant à prendre des décisions évidentes en termes d’aboutissement. Elles sont essentiellement agréables et de satisfaisantes. La joie conduit à des approches rayonnantes, enrichissantes, épanouissantes, de partage, d’ouverture, etc.

Pour illustrer mon propos, je dirais que l’émotion de joie peut être symbolisée par la pédale d’accélérateur. Pour mieux comprendre, visualisons une voiture équipée d’une boîte de vitesse automatique dans laquelle il n’y a que deux pédales ; l’accélérateur et le frein.  

la peur est mauvaise conseillère

La peur sert à nous ralentir, elle nous freine

La deuxième pédale est, bien entendu, le frein. Or, la plupart du temps, nous fonctionnons en mode automatique. On passe rarement les vitesses en étant conscient (toujours avec une approche symbolique) d’être en seconde ou en quatrième ! On fonctionne donc en mode automatique sans passer du temps à réfléchir pour savoir comment on va se positionner face à telle ou telle situation.

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La plupart du temps on réagit, on ne pro-agit pas. J’aimerais que l’on soit davantage dans la proaction comme j’y travaille moi-même de manière assidue, mais je me rends bien compte que mon naturel me pousse à réagir en faisant des choix du tac au tac. Des actions que je n’ai pas pris le temps de poser par un choix raisonné et anticipé.

Pour une émotion de la que la joie, on peut se satisfaire d’avoir à jouir sans réfléchir on accroche proactive. Il n’en demeure pas moins que nous pouvons choisir utiliser la proaction même dans l’usage de l’émotion de joie. C’est un moyen d’augmenter la joie et le bonheur dans cette situation. Quand quelqu’un nous fait une surprise, nous offre un cadeau, prends du temps avec nous et nous écoute, on peut choisir de manifester une gratitude particulière en ayant pris le temps de créer une proaction particulière pour accroître son bonheur.

Pourquoi fonctionnons-nous avec autant de réflexion sur la pédale de frein ?

La peur a pour mission de limiter les risques de mises en danger. Elle nous sert à éviter de mettre en péril notre corps, notre mentalité, notre psychisme. 

Quand la peur survient, elle nous donne une impression forte de sorte que, si l’on n’appuie pas sur la pédale de frein (que l’on ne profite pas de son alerte de danger), on s’expose à quelque chose de grave. On peut avoir l’impression que ce risque peut toucher à notre intégrité, à notre subsistance. Ça peut avoir pour conséquence la peur de ne pas être aimé, ou d’être rejeté par le groupe. 

Je rappelle que la peur d’être rejeté par le groupe est synonyme du risque de mort. Les humains que nous sommes avons besoin de vivre en société. Même s’il s’agit d’une micro-société telle que la famille, nous avons besoin de la relation excluant le rejet.

L’expérience de Robinson Crusoé sur son île déserte est très parlante. Il crée une société avant même de rencontrer Vendredi parce qu’il a besoin de vis-à-vis. Une fois la rencontre effective avec un humain, en la personne de Vendredi, la société devenue naturelle contribue considérablement à l’équilibre de Robinson. 

En nous centrant sur la seule réalité sociale de ce que vit Robinson Crusoé, nous pouvons comprendre notre propre réalité. 

C’est bien notre besoin social qui nous pousse à craindre le rejet. Si donc nous nous sentons trop différents, pas assez ceci ou beaucoup trop cela, la pédale de frein sera pressée dans le but d’éviter le rejet, la disparition associée une sorte de mort psychologique. 

Heureusement que nous avons une pédale de frein 

Appuyer sur la pédale de frein est excellent dans de nombreuses situations. Heureusement que cette émotion existe en l’humain. Toutefois, c’est dommage(able) d’appuyer sur le frein quand notre action a pour objet de nous protéger d’un potentiel danger qui n’existe pas sur le plan rationnel. D’autant que nous savons que la peur n’est jamais rationnelle, c’est bien ce que j’exprime dès le début de ce rendez-vous. 

Il importe d’en être informé sachant qu’aucune émotion n’est rationnelle, comme je l’ai évoqué au début de cet article. Le caractère irrationnel de nos émotions est inhérent à la notion d’émotion. 

Nos émotions sont systématiquement des interprétations fondées à partir un événement vécu, fantasmé (donc non vécu, ou encore transmis par un cadre qu’il soit sociétaire ou familial). À partir de là, nous avons créé des croyances, des pensées et des émotions à partir desquelles nous avons inconsciemment choisi des actions à mener sans avoir à réfléchir à chaque événement survenant. Dans ces conditions, elles sont donc bien irrationnelles. 

À partir de là, prendre une décision sur une émotion de joie, parce qu’on a envie d’aller dans une direction dans laquelle on va se développer, paraît super ! On est motivé dans le sens de la vie. Oui, a priori, c’est génial seulement, vous réalisez que bien des personnes ont pris des décisions en euphorie (de joie), suite à un bonheur considérable, en faisant d’énormes boulettes ! Même avec une émotion de joie on peut causer des débats dans sa vie. Qui plus est avec une émotion de peur !

Utiliser la peur pour prendre une décision est généralement une erreur

Utiliser la peur, qui m’a signalé un danger potentiel et prendre une décision dans laquelle je m’empêche de m’engager dans une direction est généralement une erreur. J’ai bien dit qu’il y a erreur si je ne suis pas en danger réel. S’il n’y a ni menace ni risque d’extinction ou d’atteinte à mon intégrité. Hormis ces situations, je prends forcément une mauvaise décision.J’ai déjà écrit un article intitulé « Prendre de bonnes décisions». Si ce n’est pas déjà fait, aller le lire. Il vous fera sans doute du bien. 

Quoi qu’il en soit, prenez la mesure du fait que vous savez que vous vous tromperez si vous prenez une décision basée sur la peur. 

C’est la même chose si vous prenez une décision en vous fondant sur la honte, la tristesse ou la colère. Nous avons bien dit que les quatre émotions de base se retrouvent dans l’émotion de la peur. Ipso facto, qu’il agisse de colère, de tristesse ou de honte, si je prends une décision en me basant sur l’une d’entre elles, je sais que j’ai commets une erreur. 

Exemples appliqués

1. L’exemple de l’exposé fiasco : 

Comme j’ai honte, j’ai choisi de ne plus aller présenter d’exposer en public comme je l’ai fait dernièrement. J’ai été trop critiqué sur mon incapacité à captiver l’auditoire. Parce que j’estime avoir essuyé un échec. Prendre une telle décision est une erreur ! Mieux vaut prendre la décision de se former, de mieux se préparer afin de présenter le prochain exposé en ayant tiré profit des remarques et critiques. À bien y regarder, l’émotion à viser est la joie. Or, pour la nourrir, je crois qu’une préparation sérieuse m’ouvrira la pote du succès et, par conséquent, celle de la joie. 

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Attention, rien ne me dit que mon prochain exposé en public sera un succès. Seulement, il s’en rapprochera davantage que si je ne présente plus aucun exposé en public ! 

Il est tout fait envisageable d’employer la peur comme une aide. Du coup, ne voulant plus jamais avoir peur (ce qui est utopique, mais que je le formule ici comme je l’entends en accompagnement de la bouche de mes clients), je ferai tout mon possible pour en réduire la présence étant pleinement conscient que la peur est utile pour m’éclairer sur des situations que je ne veux pas revivre en l’état. En même temps, je réalise son irrationalité afin de saisir que les prochains exposés non satisfaisants ne me mettront pas en péril. 

2. L’exemple de la soirée nulle : 

Je suis triste. Par conséquent, j’ai choisi de ne pas aller à la soirée à laquelle je suis invité. Je suis convaincu que la soirée sera forcément nulle. C’est la raison pour laquelle je n’irai pas. 

Faire un choix de ce type est une erreur. Cela ne signifie pas que la soirée sera géniale, mais refuser d’y aller parce que je présume qu’elle sera nulle, en me basant sur un préjugé, est une erreur. D’ailleurs, prendre une décision sur un préjugé est une erreur.

Dans ce cas, je pourrais me projeter sur la gratitude d’avoir été invité à la soirée. Ensuite, dissocier la tristesse de l’événement-soirée. Les deux ne sons pas conjugables dans la mesure où la soirée n’est en rien responsable de ma tristesse. 

Enfin, je peux décider de laisser ma tristesse pour aller vivre la soirée. Ensuite, de retour à la maison, je pourrai choisir de reprendre le cours de ma tristesse en relation avec les événements à partir desquels je l’ai déclenchée. 

3. L’exemple du règlement de comptes : 

J’en ai marre de toi. Je trouve que tu es vraiment con et pendant qu’on y est, je vais te dire ce que je pense et tout déballer. 

Agir ainsi est une erreur. Mieux vaut dire ce que l’on pense parce qu’on veut construire (même si on est pas dans l’émotion de joie). La seule intention de construire limite généralement le nombre d’erreurs. 

Là encore, il est préférable de dissocier la colère du moment des griefs cumulés. En ne le faisant pas, on partage les «ferments» nocifs d’une émotion (colère en l’occurrence) avec des événements n’ayant rien à voir avec le vécu du moment. 

Traiter les choses séparément est souvent bien plus fécond que d’emmêler les citations en espérant retrouver le bout de chacune d’entre elles facilement. 

Prendre une décision sous le coup de la peur

Prendre des décisions motivées par la peur est une erreur. En conséquence, on se trompe parce que la peur n’a pas pour mission de nous donner les moyens de construire. Son rôle est de nous pousser à partir en courant, à nous protéger, à nous réfugier, à éviter…

Une décision d’évitement est tout à fait opportune sur le moment M, là, maintenant. Par contre, elle se disqualifie pour une décision à prendre pour une chose à vivre dans quelques heures, dans quelques jours ou dans plusieurs années.

La peur est à consommer là, ici et maintenant, uniquement au présent. Elle ne sert jamais pour tout à l’heure. 

Ainsi, si vous sentez que la peur vous pousse à appuyer sur la pédale de frein pour une chose qui concerne un événement qui viendra tout à l’heure, vous savez être à l’écoute d’une décision non pertinente, non sage et irrationnelle. 

Que vous ayez eu peur maintenant est tout à fait «entendable». Mais une fois l’émotion descendue (je fais allusion à l’article publié il y a peu de temps sur la charge émotionnelle), vous pouvez prendre votre décision. Ne la prenez pas dans l’immédiateté sur la base de la peur (ni même plus tard). 

Happy ending !*

Je pourrais m’arrêter là, en fait. Je pense que vous avez suffisamment d’éléments pour revisiter votre existence et revoir les passages dans lesquelles vous avez pris des décisions fondées sur la peur.

En faisant ce parcours, vous pourrez identifier des moments où, en réalité, vous vous êtes trompé. A présent, vous comprenez la cause de vos décisions erronées. Vos erreurs vous paraissent tout à fait normales, à présent. L’erreur s’est produite parce que vous avez écouté votre émotion de peur. 

À partir de là, vous pouvez vous projeter et dire « je choisis que toute décision que je prendrai désormais (qu’elle concerne tout à l’heure, demain ou les années à venir) soit prise en veillant à ce que mon émotion de peur ne pèse pas sur ma prise de décision. Je tiens à ce que ma décision soit fondée sur un raisonnement, une analyse des données que j’ai en ma possession en utilisant la peur uniquement comme éclairage pour limiter les risques, pas pour m’empêcher d’avancer ». 

D’ailleurs, la pédale de frein, à laquelle nous faisions allusion tout à l’heure, a pour but de nous permettre de limiter les risques, pas de nous empêcher d’avancer. Vous vous en souvenez ?

Vous avez compris que la peur n’est pas bonne conseillère. C’est intéressant ! Il me semble qu’il s’agit d’un dicton français : « la peur n’est pas bonne conseillère ». Alors, ne vous focalisez pas sur la peur. Ne l’utilisez pas pour prendre vos décisions. Écouter juste votre peur pour récupérer certaines informations et, à partir de là, prendre vos décisions ayant été, entre autres, éclairé par la peur, conscient qu’elle vous a servi là, au présent. Et à partir de là, vous pouvez construire pour tout à l’heure et pour demain.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne semaine.

Bye-bye 

(* fin heureuse)

Photo de Yan Krukov provenant de Pexels

7 commentaires

  1. Article très intéressant, parfois la peur se cache elle n’est pas facile à reconnaître, d ou l intérêt de se poser et de bien analyser nos émotions.

  2. Super podcast (et article!).
    La peur est un sujet si intéressant, et elle est si souvent mal comprise…

    Merci pour les exemples concrets, et aussi le concept simple de la main et des 5 (ou 2) émotions.

    1. Author

      Bonjour Nicolas,
      En effet, la peur est si souvent déconsidérée et méconnue.
      Je suis ravi que l’image de la main te soit parue parlante. Je vois bien que c’est également le cas avec les clients que j’accompagne. Ça devient beaucoup plus concret pour eux.
      Au plaisir

  3. Il est vrai que les 2 principales emotions sont là peur et la joie ! Cela dit nous navons pas le contrôle sur nos émotions et il est donc difficile de les analyser ! Il est vrai également quavec la peur nous prenons de mauvaises décisions que nous regrettons par la suite ! Merci pr cet article complet et enrichissant 🙃!

    1. Author

      Bonjour,
      Dire que nous n’avons pas le contrôle sur nos émotions et juste quand il est question de leur surgissement. Cela dit, nous avons le contrôle de ce que nous voulons vivre et faire de nos émotions. Cela demande un travail intérieur pour y parvenir étant tout à fait possible.
      Bien à toi et merci pour ton retour


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