201# Attendre sans rien attendre

Une voie pour s’ouvrir à vivre mieux

L’intérêt d’attendre sans rien attendre est, entre autres, la baisse de la frustration. Encore faut-il accepter de ne pas contrôler l’attente. 

Nous sommes dans une période de cadeaux qui a débutée bien avant Noël et qui va se poursuivre jusqu’à cette fin d’année. J’ai pensé que c’était vraiment une opportunité de toucher à cette notion du cadeau à offrir comme à recevoir, avec une approche consistant à attendre sans rien attendre. Elle est véritablement libératrice et, par conséquent, bénéfique. En même temps, elle permet de comprendre ce que l’on veut dire quand on se place dans l’attente.

L’attente 

Je commencerais par m’arrêter sur l’attente. Que veut dire la posture de l’attente comme celle de l’hyper-attente ? J’entends par hyper-attente, une posture en laquelle les choses sont très définies. Je dirais même qu’elles peuvent être très cadrées.

Il y a quelques générations, quand arrivait Noël, on ne demandait pas aux enfants de s’exprimer sur un cadeau attendu. Les parents réfléchissaient et cherchaient un cadeau à offrir à leurs enfants. Ils agissaient de sorte que ces derniers bénéficient d’un beau geste à Noël. 

Et je rappelle que Noel ne date pas de 2000 ans. Il s’agit d’une célébration assez récente (18e siècle). Ces dernières décennies, pour ne pas dire ces dernières  40 ou 50 années, on a commencé à demander aux enfants ce qu’ils voulaient recevoir pour Noël. Avant cela, on peut dire qu’ils vivaient l’attente sans rien attendre. Mais depuis peu, on a proposé des listes, on a invité les enfants à écrire au père Noël. C’était une façon involontaire de faire infuser dans l’esprit de l’enfant qu’il peut exercer un contrôle sur le cadeau qu’il recevra au lieu de « subir » la surprise. Comme si cette dernière pouvait avoir un côté négatif !

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Des chiffres parlants sur l’importance du cadeau : 

  1. 1,2 milliards dépensé dans le monde pour des cadeaux de Noël en 2021,
  2. C’était 7% de plus qu’en 2020,
  3. 89% des Français avaient l’intention de commander leurs achats de Noël en ligne 58% des consommateurs français disent commencer leurs achats de Noël en novembre,
  4. les familles prévoient de dépenser en moyenne 131 euros pour leurs enfants,
  5. 74% des répondants achètent également pour eux-mêmes pendant la période de Noël.

Source : TNS-Soffres, 2020

Une révolution du cadeau

De nos jours, ces toutes dernières années, on a développé les cartes cadeaux. Ces moyens ont été inventés pour contourner le risque qu’un cadeau soit décevant. On a également utilisé des enveloppes dans lesquelles on glisse des billets. On a même inventé des listes de souhaits, comme on le fait pour les listes de mariage. De la même manière, on a pris soin de demander à la personne qui recevra les cadeaux ce qu’elle voulait qu’on lui offre. 

On a mis en place un système, même si elle n’est pas forcément volontaire, qui apporte la garantie qu’on limitera le risque de se planter en offrant un cadeau. On est très content de cettedite structure parce qu’elle nous permet d’entrer dans le contrôle ou dans l’hyper contrôle. Ce fonctionnement nous satisfait parce qu’il est difficile d’accepter de s’inscrire dans l’acceptation.

La parade anti-déception

De plus en plus, la « mauvaise surprise » est sujette à frustration, à déception. « Comment se fait-il que l’on m’offre ça ? Je ne comprends pas… ». Parce qu’en réalité, pour nous, frustration et déception sont véritablement étranger au bonheur. Or, nous voulons absolument le bonheur. 

Le bonheur a du bon, c’est sûr ! Aspirons au bonheur, mais quand ce dernier nous incite à passer dans l’hyper-contrôle (et j’en témoigne moi-même, puisque j’ai tendance à être contrôlant), vient  alors le temps d’être particulièrement attentif.  

Je viens de mentionner mon profil contrôlant. En effet, je suis un contrôlant qui se soigne, pour faire allusion au travail de Lise Bourbeau, directrice de l’école « écoute ton corps », je ne peux pas affirmer en être guéri, mais je suis en prise de conscience de mes dysfonctionnements, ayant mis en place des stratégies pour en sortir et vivre l’acceptation de manière plus prégnante.

Le paradoxe des contraires évidents

Notez que l’on ne peut pas être dans le contrôle et dans le bonheur en même temps. Or, on devient contrôlant pour assurer son bonheur, n’est-ce pas ? On se leurre quand on vise les deux en même temps.

Être heureux dans l’hyper-contrôle semble paradoxal, antinomique. En réalité, on s’entraîne à ne pas accepter de vivre ce que l’on ne maîtrise pas, que l’on ne contrôle pas. Or, à part soi-même (et encore) que contrôle-t-on ? Peut-on contrôler le temps ? Qu’en est-il de la météo ? Contrôle-t-on les autres, les aléas ? Peut-on contrôler les remarques, les goûts, ce que les autres décideront de faire comme de ne pas faire ? 

Il est tellement de choses que l’on ne peut contrôler que vous comprenez que le bonheur s’installe davantage quand on accepte d’abandonner le contrôle pour accueillir davantage les faits comme ils surviennent.

Plus de place pour l’acceptation

Je vous assure qu’en disant cela, je prêche pour ma paroisse, comme on dit. Je me retrouve vraiment dans ce travail sur moi-même qui consiste à continuer à m’inscrire dans une dynamique de baisse de contrôle et d’augmentation de l’acceptation.

À cette occasion de Noël comme du jour de l’an, avec une volonté d’attendre sans rien attendre, je veux que nous saisissions l’opportunité d’apprendre bien des choses sur nous-mêmes. 

D’ailleurs, si l’on est dans le contrôle, cela signifie que l’on est dans une notion majeure attachée à la peur. Le contrôle est une stratégie mise en place pour éviter de…. Par conséquent, avec la peur, on développera des stratégies d’évitement. On mettra en place des stratagèmes pour éviter de se retrouver confronté à…. Des moyens de ne pas se retrouver confrontés à des situations que l’on veut éviter. Pour ce faire, nous installons des issues de secours. C’est ce que nous appelons évitement. 

Cela signifie que, quand quelqu’un est dans le contrôle, il cherchera à empêcher que des choses se déroulent où se passent différemment de ce qu’il voudrait voir se dérouler sous les yeux. Sinon, il créera des voies de secours, une échappatoire. 

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Attention, il s’agit de fonctionnements automatisés qui dépassent la conscience. Nous ne sommes pas forcément conscients de ne pas vouloir changer ou de ne pas désirer un cadeau en particulier. Au fond de nous est inscrit que, si ce cadeau nous est offert, il viendra réveiller une blessure, une douleur, une gêne, une honte, une tristesse ou une angoisse, etc.

Pour éviter cela, on mettra en place des stratégies qui feront que, si on est confronté à ce risque, on fera le nécessaire pour ne pas recevoir ce cadeau. Un moyen, peut-être l’humour en disant « le gars qui offre ce truc à quelqu’un est vraiment un minable. Il n’a rien pigé ! », une façon de miner le terrain. L’intention est de verbaliser que ce n’est pas que je suis personnellement mal à l’aise, mais que l’émetteur du cadeau est minable. C’est une stratégie d’évitement et de contrôle pour limiter le risque de blessures personnelles.

On a toujours peur pour soi

Seulement, on a toujours peur pour soi-même. On n’a jamais peur pour l’autre. Il importe de le savoir. Je sais qu’il est difficile d’accepter cette thèse et de l’accueillir comme une vérité. 

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Systématiquement, quand je suis face à des personnes avec lesquelles j’aborde la notion de peur et que je leur présente cela, elles tiquent. Elles se trouvent réellement en difficulté pour entendre cette phrase sans contre-argumenter. Par exemple, l’un dit « ce n’est pas vrai. Quand mon fils fait ceci, j’ai peur pour lui, pas pour moi ! ». Un autre dit « quand on m’offre un cadeau qui ressemble à…, je n’ai pas peur pour moi, ce n’est pas égocentrique ». Pourtant, il n’en demeure pas moins que la peur est systématiquement égocentrée.

A quoi sert la peur ? 

Pour mieux la comprendre, il est aidant de comprendre que la peur répond à une mission : la préservation de l’espèce. En d’autres termes, la protection de la vie. Cela implique, au passage, la reproduction. 

Quand on a peur, on a peur pour soi, pour sa survie, jamais pour l’autre. C’est valable quand on a peur d’être déçu·e, par exemple. Or, dans cette peur d’être déçu·e, on peut ne pas la percevoir parce qu’elle peut être masquée derrière la peur de décevoir. Mais, si l’on a peur de décevoir, c’est que l’on a peur que l’autre soit déçu par nous. Cette peur est donc pour soi-même.

Entendez-vous qu’il s’agit d’une peur de décevoir parce que l’on serait à soi-même déçu·e d’avoir déçu ? Difficile, mais pertinent. Prenez le temps de relire cette phrase si vous avez besoin de l’intégrer. Mais souvenez-vous, quoi qu’il en soit, que vous avez toujours peur pour vous-même, jamais pour un autre.

L’illusion

On pense que c’est par amour que l’on demande à l’autre « quel cadeau voudrais-tu recevoir ? ». Est-ce vraiment le cas ou est-ce par peur de décevoir, par peur d’être à côté ? Quand on fait le choix d’un cadeau remboursable et que l’on contrôle que ce dernier peut l’être, est-ce qu’on veille à ce qu’il soit remboursable par amour pour l’autre ou par peur ? La question se pose également quand on offre des cartes cadeaux ou de l’argent. A-t-on peur d’être à côté, de ne pas être à la hauteur des attentes de l’autre ? 

Percevez-vous, d’ailleurs, qu’en ces peurs se trouve celle d’être rejeté·e ? La peur d’être évalué·e par la personne à qui l’on offre le cadeau et qui considérait que l’on n’a pas été dans les clous ? Bien entendu, c’est le cas. Nous entrons là dans un stratagème d’assimilation dans lequel on pense que si la personne rejette le cadeau, c’est nous qu’elle rejette en même temps. « S’il aime le cadeau, je suis quelqu’un de bien. Par contre, s’il ne l’aime pas, c’est que je suis minable ». 

Deux pistes vers un regard rationnel 

Deux choses me viennent. La première est de savoir si, selon moi, j’ai offert un « mauvais cadeau ». Aurais-je fait un mauvais choix ? Pourquoi associer ces deux éléments-là ? 

D’ailleurs, pourquoi l’usage de « mauvais » ? Pourquoi ne pas le considérer comme un cadeau que l’autre n’apprécie pas ? A ce sujet, il a pleinement le droit de ne pas l’apprécier. 

Et ce n’est pas parce qu’il ne l’apprécie pas que mon choix était mauvais. Il est possible que, comme je l’ai évoqué tout à l’heure en parlant de blessures, ce cadeau éveille chez lui une émotion que je ne pouvais pas connaître ou que je n’ai pas comprise. Peut-être ne m’a-t-il jamais ouvert la porte pour me révéler cette fragilité. Il est possible que cette émotion le renvoie à des pages de son enfance que je connais ou non, mais pour lesquelles je n’avais aucun élément me permettant de soupçonner un accueil difficile.

Nous avons donc un travail à faire sur nous-mêmes quand nous sommes conscients d’une volonté de contrôle ou d’hyper-contrôle. Un travail qui consiste à accepter de ne pas savoir. Ce n’est pas évident ! 

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Accepter de ne pas savoir

Aujourd’hui, quand on dit qu’on ne sait pas, on passe pour une cruche. On aime tellement maîtriser, en visant le résultat, le top. On n’accepte plus difficilement de se tromper or, dans cette phase-là, en plus d’accepter de ne pas savoir, j’ajoute l’importance d’accepter de se « tromper »

J’ai mis les guillemets à « se tromper » parce que la question suivante se pose : peut-on parler de « mauvais cadeau » ou de « mauvais choix » et, par conséquent d’erreur ? Il n’y a peut-être pas d’erreur. On a fait ce qui nous paraissait bien, cohérent, en pleine intégrité ou en écoute de soi-même. Si c’est le cas, je dirais que c’est donc un cadeau impeccable, en empruntant ce terme à Don Miguel Ruiz. J’ajoute que la responsabilité de la personne qui reçoit le cadeau reste entière. Elle est libre de vivre ce que bon lui semblera à partir du cadeau qui lui a été offert sans forcément que l’on ait à se flageller pour sa manière de l’accueillir. Nous n’en sommes pas responsables.

Apprendre à se connaître sans se juger

On pourrait ajouter à cela que c’est peut-être une opportunité, quand le cadeau ne plaît pas, ou ne correspond pas à l’attente, d’apprendre davantage à connaître l’autre. C’est peut-être un moyen d’ouvrir ses écoutilles pour se dire « j’ai encore à prendre de toi ». Et peut-être que, justement, quand quelqu’un est déçu, frustré ou content du cadeau qu’on lui a offert, aller dans cette dynamique en disant « j’entends que tu n’es pas content du cadeau. Qu’est-ce qui fait que tu le vis comme ça ? Qu’est-ce que tu ressens ? Y aurait-il une chose que tu voudrais me dire pour comprendre davantage qui tu es, ce qui te correspond et quel est ton besoin ? ». 

J’ajoute d’ailleurs que le cadeau que vous avez offert cette année pourrait ne pas correspondre dans trois ans et pouvait ne pas correspondre l’année dernière. Percevez-vous la difficulté liée à un geste ? En effet, vous êtes en train d’offrir un cadeau à un être vivant, mouvant, changeant. L’intérêt d’intégrer et… : 

  • d’accepter de ne pas savoir, 
  • d’accepter de «se tromper» 
  • d’entrer dans une démarche en intégrant l’évolution annuelle de la personne…

…nous permet de vivre plus en quiétude la frustration ou la déception de la personne qui reçoit le cadeau. 

Et, quand nous sommes la personne destinataire du cadeau, nous pouvons également intégrer les mêmes éléments en acceptant que l’autre ne savait pas. « J’accepte que l’autre ne s’est pas trompé. Il a fait selon les données qui étaient en sa possession. J’ai à continuer à me faire apprendre, à me laisser lire par l’autre pour qu’il découvre davantage qui je suis ». Et cela m’ouvre à la troisième partie de notre échange du jour.

Changeons de cible

Nous visons trop souvent le résultat. Pourtant, il y a le dicton qui dit « c’est l’intention qui compte ». Cela sous-entend clairement que l’on ne vise pas le résultat. Mais en même temps, nous avons une véritable difficulté avec cette idée. Nous disons que l’intention compte, en effet, mais en même temps, nous résonnons en pensant « je n’ai pas réussi à le satisfaire » ou encore, « OK, c’est l’intention qui compte, mais vous avez vu ce qu’il m’a offert ? Pour qui me prend-il pour m’offrir un tel cadeau ? Je ne suis pas… ». Et l’on se retrouve offusqué·e parce qu’en réalité, on est convaincu·e que la personne qui nous offre un cadeau fait une association entre nous et le cadeau. Elle n’avait pas le droit de ne pas savoir que le cadeau ne pouvait pas nous correspondre. 

Or, l’exercice que nous pouvons faire sur nous-mêmes est de dissocier le faire de l’être. Du coup, je peux intégrer que ce n’est pas parce qu’il m’a offert ça que je suis celui ou celle qui correspond à l’image qu’il/elle s’est fait·e de moi. 

Le cadeau révélateur de l’offrant

Si le cadeau me parait inadapté, cela ne signifie pas qu’il me néglige, m’insulte ou injurie mon image. Quand quelqu’un m’offre un cadeau, il me parle de lui, pas précisément de moi. Quand vous faites un cadeau à quelqu’un, vous parlez de vous, pas essentiellement de la personne cible. C’est votre lecture de la personne qui vous conduit à faire un cadeau. C’est donc bien votre lecture qui est en jeu. Or, la prise de conscience de cette responsabilité s’avère libératrice. Elle permet à chacun·e d’être auteur·e, d’écrire sa vie et de la faire se dérouler comme bon lui semble. 

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Attendre sans rien figer

Dans cette dernière partie du podcast du jour, je voudrais m’arrêter sur une autre manière d’exprimer « attendre sans rien attendre ». Je pourrais la formuler comme suit : attendre, sans rien fermer, sans rien figer, sans rien fixer. Ce serait une manière de dire « j’accepte, j’accueille ton cadeau. Je l’accepte sans enfermement de moi. Ce n’est pas parce que tu m’offres ça que je suis enfermé·e dans une étiquette. De plus, je l’accueille sans enfermement de toi. Ce n’est pas parce que tu m’as offert ça que tu es quelqu’un de formidable ». Ou bien, à l’inverse, « parce que ton cadeau semble à côté de la plaque, tu es un minable » en poursuivant dans un enfermement avec étiquetage. 

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Le non-enfermement sans étiquetage est bénéfique pour tous. C’est valable tant pour l’offrant que pour le bénéficiaire. Par le non-enfermement, j’accepte que nous sommes vivant·e·s. J’accepte que nous sommes en chemin, en changement, en évolution. Et que, comme je l’ai dit tout à l’heure, que ce qui pouvait correspondre la semaine dernière peut ne plus être adapté aujourd’hui parce que tu as changé, ton regard a changé. 

Chacun à sa place limitante

J’intègre que je ne suis pas tenu·e d’être au fait de tous tes changements. Il s’agit de ta vie. Cela t’appartient et j’accepte de ne pas être en maîtrise de cela sachant que je ne suis déjà pas en maîtrise de mes propres évolutions et changements ! Je comprends donc tout à fait qu’il me soit impossible d’être en maîtrise de tout ce qui se meut chez toi et que tu n’as pas verbalisé.  D’ailleurs, même si tu l’avais verbalisé, je comprends que l’accueil de ce que tu as verbalisé correspond à l’image que je me fais de ce que tu es en train de dire. Je ne suis pas dans ta tête ou dans ta posture. Même si je fais preuve d’empathie, je reste dans ma vie, conscient·e de ne jamais être en mesure de me placer dans la tienne.

Aimer est un choix risqué

Il est considérablement aidant d’intégrer qu’aimer inclut le risque. Aimer intègre le risque de ne pas comprendre et de se « tromper », ou plutôt de se reconnaître comme un besoin. D’apprendre à se connaître de nouveau, comme d’apprendre à connaître l’autre de nouveau. Ainsi, je peux ajouter qu’aimer inclut de se donner à lire par les autres.

Responsable de sa propre révélation aux autres

Je voudrais poser deux questions : 

  1. Pourquoi ne pas s’interroger sur ce que l’on a émis à l’autre pour qu’il choisisse le cadeau qu’il nous a offert ? 
  2. Pourquoi l’erreur serait-elle dans l’offrant et pas dans le recevant ? 

Percevez-vous la pertinence de ces deux questions ? Elles le sont fortement dans la mesure où l’autre ne pourra nous offrir un cadeau qu’à partir de ce qu’il y aura été donné de lire de nous. Il ne peut pas deviner notre identité. Il ne peut que l’entendre ou tenter de la lire. Or, ces deux actions impliquent une interprétation. La démesure de ce double risque peut-être à la mesure de notre niveau d’acceptation d’un cadeau en inadéquation avec ce que l’on souhaitait recevoir.

Aimer, c’est prendre un risque avec ou sans cadeau. Le choix de ne pas offrir de cadeaux implique un risque. Or, il paraît vraiment paradoxal de chercher à aimer sans offrir (de cadeaux). Certes, on peut raisonner en se disant « je ne veux pas offrir de cadeaux pour être sûr·e de ne pas me tromper ». Seulement, ne pas offrir de cadeaux est contraire à l’amour puisqu’aimer est attaché au don. Parce que l’on aime, on donne. Et c’est par l’ampleur du don que l’on se rend compte que l’on aime. C’est valable pour le temps que l’on consacre à l’autre comme pour un cadeau matériel. Il est difficile, voire impossible, d’aimer sans donner ou sans se donner

Aimer implique 

1. Aimer, c’est se dévoiler à l’autre. En utilisant en ce verbe au premier degré, il s’agit d’enlever le voile, se mettre à nu, se déshabiller devant l’autre. Cela a, d’ailleurs, pour avantage de limiter le risque de cadeaux en inadéquation avec soi-même même si, comme je l’ai dit, cela ne peut que limiter le risque sans jamais l’effacer. Surtout que l’on change avec le temps. L’offrant change tout comme le bénéficiaire change également.

2. Aimer implique également d’accepter une émission altérée de soi vers l’autre. Je ne peux pas exiger de moi de me libérer ou de me dévoiler avec une précision et des aptitudes au top pour que l’autre puisse me lire correctement, sans accepter que l’autre soit limité dans sa capacité à lire ce que je lui révèle de moi. Il ne pourra lire que ce qu’il a déjà commencé à lire dans sa propre vie. Capable de lire uniquement ce qu’il a appris à lire, quelque part. Et, qui plus est, ce qu’il lira de moi sera forcément sujet à interprétation.

3. Aimer implique également une interprétation de l’autre avec ses propres filtres, ses grilles de lecture par rapport à sa propre expérience personnelle.

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Place aux exercices 

Il m’incombe donc de vivre un exercice qui consiste à : 

EXERCICE n°1 : accueillir l’autre (sujet) qu’importe (l’objet) cadeau

Accueillir l’autre avant tout, quand il m’offre un cadeau. Finalement, ce n’est pas l’objet (cadeau) qui se place entre l’autre et moi qui est à accueillir. Mais c’est davantage le sujet (la personne). Le cadeau est donc un moyen. Là, on rejoint l’adage populaire. « c’est l’intention qui compte ». Certes, je répète régulièrement que l’intention ne fait pas l’action. À certains moments, ça ne fonctionne pas. Seulement, dans le cas de figure que je viens de présenter, c’est bien l’intention qui compte. Quand une personne m’offre un cadeau, si elle l’a choisi avec bienveillance et intégrité, en voulant véritablement me faire montrer son amour, le cadeau devrait me correspondre. Quoi qu’il en soit,  j’accueillerai la personne avant tout. 

En même temps, comment savoir si la démarche de cadeau a été faite dans l’intégrité avec bienveillance ? Je ne peux pas le savoir. Ce qui signifie qu’il vaut mieux que j’accueille l’autre avant tout et que le cadeau (objet) se trouve réellement à la seconde place.

EXERCICE n°2 : dire ce que vous pensez avec bienveillance

La deuxième chose que je peux faire est de dire à l’autre que le cadeau ne me plaît pas et le dire avec bienveillance. En effet, c’est facile de dire « super, c’est génial. Je te remercie parce que j’en rêvais depuis des mois. Je suis hyper content… ». Par contre, c’est plus difficile de dire « je te remercie pour l’intention. En même temps, je n’aime pas du tout ce cadeau. Je pense qu’il ne me correspond pas ».

Comment adopter une démarche bienveillante ? 

En allant à la rencontre de l’autre. Si l’on se souvient que l’objet n’est pas le véritable cadeau, mais que ce dernier se trouve en la personne qui l’offre, cela nous aide considérablement. La personne m’offre un objet qui, selon elle, me correspond. Or, si ce n’est pas le cas, je peux poser des questions afin de savoir ce qui a conduit à m’offrir ce cadeau dans le but de comprendre la démarche. Ainsi, je peux me rendre compte que, sans surprise, la démarche était fondée sur de la bienveillance avec une intention bénéfique. Finalement, cela peut nous permettre de nous rapprocher l’un de l’autre, même si l’objet a été en inadéquation avec ce que l’on aurait voulu.

Si l’on se souvient que l’objet n’est pas le véritable cadeau, mais que ce dernier se trouve en la personne qui l’offre

EXERCICE n°3 :  Apprendre à se dire

Le troisième aspect applicable consiste à apprendre à me dire à l’autre et à le faire de mieux en mieux. Peut-être suis-je impliqué·e dans le fait que l’autre a lu certaines choses de moi qui me semblent ne pas correspondre à mon identité ? Peut-être ai-je minimisé, atténué ou réduis des aspects de ma personne en choisissant de montrer ce que je voulais montrer. C’est indéniable ! 

Nous sommes conscients que nous cherchons à minimiser certains aspects de notre personnalité pour que l’autre voit ce que nous voulons maximiser. C’est encore plus fort quand nous cherchons à paraître devant l’autre. Moins nous voulons paraître et plus l’autre pourra trouver des cadeaux qui seront en adéquation avec notre personnalité. Toutefois, j’insiste sur l’accueil de l’autre, avant tout.

EXERCICE n°4 : Accepter la fluctuance

Puis enfin, le dernier respect de cet exercice est d’accepter la vie avec ses fluctuances. J’accepte que l’autre ne puisse pas être au même rythme cardiaque que le mien, avec les mêmes palpations, les mêmes respirations, les mêmes inspires et la même dynamique parce qu’il est autre. Il n’est pas moi.

D’ailleurs, entre nous, ne vous arrive-t-il jamais d’acheter quelque chose que vous délaissez au bout de quelques semaines ou de quelques mois ou années, en vous disant « finalement, j’ai acheté ça, mais… » ? Et oui ! Vous vous êtes offert des cadeaux qui étaient en inadéquation avec vous-même. Pourtant, au moment où vous l’avez choisi, vous avez eu l’impression que cela correspondait à vos aspirations. Parfois même, vous l’avez acheté sans réfléchir. 

Après coup, vous vous rendez compte que ce cadeau ne vous correspond pas ou ne vous correspond plus. Ça peut illustrer l’intérêt d’accepter l’autre dans le don de son cadeau.

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Restons vivants

Vous êtes vivant avec des pulsations cardiaques uniques. Or, l’irrégularité de nos pulsations cardiaques illustre la variabilité de notre personne au quotidien. Cela peut nous permettre de mieux intégrer que les personnes qui nous entourent peuvent nous lire avec une aussi grande irrégularité que nos pulsations cardiaques. (Sauf quand nous pratiquons la cohérence cardiaque :-).

Je vous souhaite de beaux moments pour recevoir et offrir vos cadeaux de fin d’année. Vivez ces moments avec une véritable authenticité, avec une volonté d’apprentissage de l’autre comme de vous-même. Utilisez-les comme des opportunités pour apprendre à vous développer et à aimer comme à vous aimer.

Il ne me reste plus qu’à vous souhaiter une bonne semaine.

Bye-bye. 

16 commentaires

  1. Encore un super article. J’ai relevé deux aspects qui m’ont fait cheminer. L’un est le système de la liste des cadeaux. Pour mon petit neveu j’aime choisir pour lui car je lui offre ce à quoi il ne pense pas comme un jeu philo en famille. Je considère qu’un adulte peut le guider vers plus de réflexions et le sortir de ses envies de plaisir immédiat. En compensation car il est déçu je lui offre sur place ce qu’il souhaite, lui, pour atténuer sa frustration. Et l’autre élément c’est d’avoir su voir que la peur qu’il arrive quelque chose à ma fille faisait parti de ma propre peur et ne lui appartenait pas. C’était un gros poids sur elle cette projection. Merci de cet article très complet que je vais relire pour mieux l’intégrer

    1. Je te suis reconnaissant pour ton retour.
      Par ailleurs, je suis ravi que tu ai trouvé matière pour lire tes ancrage et des préoccupations personnelles.
      Par ailleurs, je suis particulièrement ravi que tu aies entendu que « nous avons toujours peur pour nous-mêmes, jamais pour les autres ». La prise de conscience de la pression que cela exerce sur ta fille est tout à fait bénéfique.
      Je souhaite qu’à chaque nouvelle peur, tu prennes conscience de ton application, de son infusion, sans aucune projection vers l’autre.
      Beau parcours à toi.

  2. Bonjour Pascal,
    Epineux sujet que celui des cadeaux 😉
    Dans mon expérience, j’ai rencontré des personnes qui même en connaissant très peu l’autre tombaient dans le mille sur des cadeaux qui faisaient plaisir et à l’inverse, des proches qui étaient vraiment loin du compte.
    Il doit donc y avoir une compétence subtile que certains ont et d’autres non pas.

    1. Oui, le sujet des cadeaux est épineux.
      Les deux exemples que tu donnes sont enrichissant. Ils montrent à quel point il est possible de se dévoiler d’une manière plus libre avec des personnes qui sont plus distante. Et d’autre part, de se voir enfermé par des personnes qui ne connaissent « trop bien ». C’est édifiant 🙂

  3. Salut Pascal,

    Ce podcast est hyper enrichissant. ça m’a fait prendre conscience de la relation que j’ai vis à vis des cadeaux de Noël (que je fais ou que je reçois). Merci !

    a+

    Benoit

    1. Super Benoit. Ton regard s’est élargi

  4. Bonjour,

    Je reprends cet partie de l’article pour partager mon expérience: « Quand quelqu’un m’offre un cadeau, il me parle de lui, pas précisément de moi. »
    Quand je veux offrir un cadeau qui va vraiment plaire, je passe parfois plusieurs jours à réfléchir en me mettant à la place de cette personne en me demandant ce qu’elle me renvoie. Quand je ne trouve pas je préfère ne rien acheter.

    1. Chrystelle,
      Je vois que la partie sur la révélation de soi relative aux cadeaux offerts te parle. Je dirais même qu’elle te chamboule un peu, peut-être, dans la mesure où tu préfères éviter le risque « d’erreur » en offrant rien quand tu ne trouves pas.
      Sais-tu que ne pas trouver de cadeau à offrir est un acte manqué ? Pourquoi ne rien offrir ? Pourquoi ne rien offrir de toi quand tu crains que l’autre ne « t’accueille » pas dans le cadeau que tu offriras ? As-tu peur de te sentir rejetée ?
      Je te laisse avec ces questions qui, je l’espère, te serviront de base pour avancer vers le risque de te dire à l’autre.
      Par ailleurs, je reste à ton écoute si tu souhaites avancer.

  5. Un super article qui me renvoie à ce que je vis.
    Quand j’étais enfant, ma mère arrivait toujours à trouver LE cadeau! Mais depuis que je ne lui parle plus, personne n’arrive à me donner la même émotion!
    A chaque cadeau, je prendrai ce recule et je penserai à l’intention de la personne pour me faire plaisir!
    Petite anectode de mon fils de 5 ans pour Noel, il était en stress en se demandant s’il aurait tous les cadeaux de sa liste. Pourtant, c’est la première année que l’on utilisait une liste de souhaits de cadeaux. Il a fallu le préparer à l’idée qu’on ne peut pas tout avoir !

    1. Caroline, je te remercie pour ton partage d’expérience. Ce sont de belles illustrations sur les enjeux insoupçonnée des cadeaux.
      Au sujet des cadeaux que t’as pris ta maman, il est symboliquement tout à fait légitime que personne n’arrive à reproduire l’émotion que tu ressentais quand elle t’offrait LE cadeau, comme tu l’évoques. Dans ton fort intérieur, je pense que tu es consciente que ça arrivera plus jamais.
      Si tu veux revivre une expérience avoisinant l’émotion ressentie. Quand ta maman t’offrir un cadeau, il te sera peut-être nécessaire de passer par une réconciliation avec toi-même (la culpabilité relative à la rupture relationnelle avec ta mère) ou par une réconciliation avec elle.
      Ta manière de raconter ton ressenti montre combien qu’à travers le cadeau que tu recevais de ta maman, tu recevais un amour profond. Il me reste à espérer que, même si la source saveur différente aujourd’hui, tu continues à recevoir cet amour profond.

  6. Super article et je suis complètement d’accord que quand on a envie de donner, il faut le faire sans arrière pensée. Et surtout ne pas être dans l’attente de quelque chose en retour. Un sourire en retour peut suffire et faire du bien.

    Bonne année 2023 et je te souhaite de belles réussites !

    1. Merci Fabienne pour ton retour.
      Peut-on réellement offrir un cadeau sans être dans l’attente ? Ne serait-ce que l’attente de la confirmation d’une satisfaction de l’expérience de la personne qui reçoit le cadeau ? Ça me paraît difficile. En tant qu’humain, quand nous aimons quelqu’un, nous ressentons le besoin que ce dernier exprime une satisfaction face à l’amour qui lui est manifesté. Bien entendu, il nous est accessible de parvenir à offrir sans rien attendre, mais ce n’est possible que suite à un entraînement relatif à un travail sur soi-même.
      Le sourire que tu évoques est déjà une façon d’émettre un retour, non ?

  7. On a tellement peur de se tromper quand on offre quelque chose ! C’est tellement plus simple de choisir pour soi ! Finalement, j’offre maintenant des activités (concert, spectacle, etc…) c’est un peu de son temps que l’on offre à l’autre.

    1. Eh oui Sophie. On a peur de se tromper. Mais pourquoi une si grande peur quand on comprend qu’il est complètement acceptable de se tromper en amour. Offrir un cadeau ne consiste pas à passer un examen. C’est une déclaration.
      Il est aidant de comprendre combien l’amour est un domaine des plus risqués et que, malgré tout l’entrainement du monde, nous nous tromperons encore pendant la moitié de l’éternité et au-delà 😉
      Je t’invite à te tromper pour autant que ta démarche vise l’amour.

  8. Quelle richesse dans cet article, philosophique aussi !
    Notre monde devient si complexe et si matériel.. je rêve d’un temps où l’on reviendrait aux cadeaux simples et peu couteux. Juste une présence d’ailleurs, une pensée, un sourire, une carte peuvent faire office de cadeau. merci pour cet article qui apporte une belle réflexion !

    1. Emma, je te remercie d’avoir pris le temps de lire cet article (ou d’écouter le podcast).
      Depuis plusieurs années, je promeus les cadeaux immatériels, ceux qui ne vieillissent pas, ne se démodent pas et s’embellissement grâce aux nombreuses caresses de la mémoire ravivée. Ils ont une telle valeur qu’il ne sont pas chiffrables, inestimables. Nous avons, parmi eux, le temps passé avec quelqu’un que tu mentionnes justement.
      Cela dit, pour que ce temps soit un cadeau, il importe au donnant de le teinter d’une richesse adaptée au recevant. Je pense à une gourmandise dégustée en un lieu atypique, inattendu, avec une ou des personnes inattendues. Simple et profond à la fois. Modestement riche.
      Je t’encourage à offrir de plus en plus de ces ces instants suspendus pour toujours dans nos albums mémoriaux parce qu’inaltérables.
      Plus je t’écris et plus j’ai envie de dédier un podcast à ce sujet. Ça viendra en son temps.
      Au plaisir

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